Portrait d'un ami

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acara
Francis Lalanne
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Portrait d'un ami

Message par acara » mar. 30 janv. 2007 à 15:27

La fourrure longue et soyeuse de son dos et de ses flancs va du grège au noir. Il a le menton crème, la poitrine et le ventre d'un beige à peine plus foncé.
Les dessins de son pelage sont d'une symétrie parfaite, et il contemple le monde à travers d'immenses yeux verts.

Voilà maintenant 19 ans que je l'ai découvert un beau jour, petite boule de poils, perdue au milieu de ses nombreux frères et soeurs, déjà occupé, en bon tacticien, à faire du charme aux enfants du voisinage venus les admirer.

Tous les enfants rêvaient de rentrer chez eux avec un chaton... sauf moi. Entre les crapauds en convalescence dans la salle de bains, les poissons, sans oublier les lapins, les chèvres et la tortue installés dans le jardin, ça ne risquait pas de faire bon ménage !

Mais de toutes les personnes présentes, c'était moi qu'il avait choisie, ne me quittant pas d'une semelle. Le soir même je rentrai avec mon minet !

Depuis, il a partagé avec nous de nombreux appartements dans différents pays, acceptant chacun de bon gré, comme si nous lui faisions cadeau d'un nouveau terrain de jeu.
Très sportif, il a inventé de nombreux jeux. Par exemple, nous jouons au "tennis d'escaliers" du haut des marches, il me renvoie d'un coup droit la petite balle que je lui expédie. il y aussi l'aquaplanning dans la baignoire puis, quand la baignoire se vide, il observe, fasciné, le siphon qui fait des gargouillis.

Avec un seul "miaou" il exprime quantité de mots, avec à chaque fois une intonation différente. on peut tidentifier :

"Salut !" quand je rentre
"Attention" ! quand il croit que je vais lui marcher sur la queue
"Aïe" !! quand le lui écrase effectivement la queue !
"Le dernier arrivé en haut est un..." (miaulement nargueur avant de s'élancer dans les escaliers) et aussi "J'ai faim".

Par contre, la chasse aux souris, oiseaux, qui peuplent les vignes alentours, se passe dans le plus grand silence, plat comme un paillasson, il rampe, jusqu'à arriver à quelques centimètres de sa proie. Mais, ses poils hérissés et sa queue fouettant l'air, le trahissent, s'ensuit une envolée de plumes, et des feulements rageurs.

Pour les souris, c'est plus facile, mais pas toujours.

Une fois ramenant une souris et pensant qu'elle était groggy, il ouvrit la gueule, et fier, la laissa tomber à mes pieds.
La réaction de la souris fut si rapide, que je la suspectai d'avoir "fait la morte" dans l'espoir de lui échapper.

Elle réussit à se faufiler dans une petite fente entre le mur et le plancher. Théodule sortit ses griffes acérées et essaya de l'atteindre, ce à quoi la partie adverse répliqua par une retraite en crabe, en se faufilant plus profondément dans sa cachette. Ne trouvant qu'une solution, Théo se coucha devant la fente, et l'obstrua complétement.
Inutile d'être médecin spécialiste pour constater le pitoyable état de santé de la souris !
A moitié étouffée, le chat voulant lui faire du bouche-à-bouche, j'emportai la malheureuse et la déposai dehors, dans une touffe d'herbe éloignée où elle put récupérer.

De retour à la maison, Monsieur passa devant moi l'oeil méprisant, sa queue fouettant l'air de rage.

"Miaou" ! (va te faire f.....) me lança-t-il; Mon expérience me dit qu'il gardera longtemps ses distances... jusqu'au moment où j'ouvrirai la porte du frigo !

.....

De toute sa vie il n'aura donné que joie et tendresse... jusqu'à l'autre nuit, à l'instant précis où les ténèbres font place à une aube grisâtre, mon corps encore assoupi tout contre lui mais l'esprit à l'affût car le sachant affaibli, je le sentis soudain se raidir, pattes tendues, mâchoires grincantes, et compris qu'il s'en allait, lui aussi - dans un dernier souffle, dans cette "vallée de l'ombre de la mort" que je hais tellement... immédiatement mon premier réflexe a été - égoïstement - de tout faire pour l'empêcher de partir, de tout faire pour qu'il reste encore ici avec moi .... finalement, doucement, je consentis enfin à le laisser rejoindre d'autres terrains de chasse où, j'en suis sûre, il sera à tout jamais le fier Félin, à l'affût dans les hautes herbes, toutes moustaches frissonnantes, que je garde dans mon coeur ... ! :)


Certains diront peut-être "ce n'était qu'un chat" ! oui ... mais c'était mon Ami, et le meilleur des amis ...

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