Et puis, comme souvent lorsque j'ai un peu le temps d'écrire, je me suis mis à pondre un pavé, légèrement digressif en plus, sur des considérations comparatives entre des plans d'eau poissonneux de ceux qui ne l'étaient pas.
J'en suis venu naturellement à évoquer l'expérience que je mène en ce moment avec du low-tech local et là, j'ai eu une révélation mystique : je suis bien parti pour ne plus jamais mettre un seul poisson dans ce bac.
Je me rends compte en effet que j'éprouve autant sinon plus de satisfaction à observer les bestioles qui pullulent dans le bac depuis qu'il ne contient plus de poissons que de voir quelques écailles s'ennuyer ferme entre deux repas.
Naturellement, j'exagère pour les besoins de la cause, y'a plein de bonnes raisons de se plaire à observer des poissons jouer dans un bac.
Astaras a écrit :D'une manière plus générale:
- poissons dans mare = 0 biodiversité, les poissons sont des super prédateurs à l'échelle d'une mare ou d'un étang et "dévastent" toute vie.
- mare sans poisson = grosse diversité au niveau de la faune et micro-faune. Certains organismes écologiques préconisent aux particuliers de faire des mares, mais en ne mettant bien entendu strictement aucun poisson.
Je plussoie et suis persuadé également que même à l'échelle de petits lacs, les poissons (sans même parler des maléfiques gambusies, poissons-miaou, etc.) ruinent la vie, particulièrement en l'absence de "sanctuaires" tels que les herbiers et des berges protégées par une opulente végétation, en plus d'être chapeautés par leur propre super-prédateur en immergé (type brochet).Stalker a écrit :Je confirme à 200%.
Même en présence de ce type d'abris à bestioles, on trouve plus souvent dans ces abris-là des alevins et des juvéniles que des bestioles utiles à l'équilibre du système.
En tout cas, c'est un constat que j'ai fait sur "ma" réserve naturelle et sur les canaux des environs.
D'ailleurs, c'est fou, mais je peux presque dater la période où la réserve s'est d'abord doucement puis de plus en plus vite transformée en désert aquatique (environ 15 ans). Aujourd'hui, dans les plans d'eau permanents (dans les mares temporaires c'est encore différent, entendons-nous bien), on doit trouver tout au plus une demi-douzaine d'espèces de poissons, deux ou trois d'écrevisses et pis c'est tout. Et chacune de ces bestioles contribue à sa manière à ce que plus rien d'autre ne survive, animal ou végétal. A tel point que même les algues et plantes pionnières ne parviennent pas à prospérer, pour permettre à d'autres espèces de s'abriter et de recoloniser.
Du coup je ne parle même pas des bacs ou des petites mares.
Au départ, pour mon bac "local" de 120 l, incité par ce que je savais de l'aquariophilie "classique", j'ai eu la mauvaise idée d'introduire des juvéniles (bon, je cherchais les problèmes avec des gambusies, c'est vrai, mais je pense que des vairons auraient amené au même résultat).
Je n'en avais introduit pas plus de 5 ou 6 minuscules, ce qui me semblait la prudence même, mais cela a été immédiat : plus rien d'autre ne pouvait cohabiter longtemps, les copépodes et autres cyclops y sont passé en premier, puis les larves de moustique puis au moment où j'ai expatrié les juv', ils commençaient à embêter les larves de phrygane et bouffaient au vol n'importe quel insecte volant.
Depuis que j'ai viré les juvéniles de gambusie, je ne sais plus où donner de l'œil tellement cela grouille de vie, que j'ai du partiellement réimplanter.
J'en suis venu à me dire que sauf à faire de l'aquariophilie de base, en nourrissant les poissons plusieurs fois par jour avec de la nourriture de commerce (ou de la nourriture vivante élevée intensivement en bacs périphériques sans poissons évidemment), sachant que les plantes ne serviraient plus qu'à oxygéner et recycler les déchets digérés, un 120 l ne suffit pas pour abriter et faire prospérer la vie en même temps que des poissons, même minuscules, même très peu nombreux. J'entends pas là reproduire des cycles vertueux d'équilibre incluant la reproduction de bestioles et mini-bêtes, sorti de quelques gastéropodes prolifiques.
Maintenant, je me demande quelle contenance, pour une pièce d'eau artificielle, permet de faire cohabiter la vie en même temps que des poissons. Et dans ce cas, quel type de poissons introduire (puisque j'ai déjà mon idée sur les espèces déconseillées), sachant que sans super-prédateur pour les poissons eux-mêmes, fussent-ils vertueux, une population de poissons ne me paraît pas pouvoir s'équilibrer d'elle-même et finira par déséquilibrer le plan d'eau.
La surface plus ou moins grande n'indique dans ces conditions qu'une chose : le temps que mettront les populations pour déséquilibrer significativement le plan d'eau, en l'absence du super-prédateur adapté et/ou en présence des espèces inadaptées.
***
Mon hypothèse conclusive est donc la suivante, en aquariophilie (parce que pour le reste, réserves naturelles et tout, je ne suis carrément pas qualifié pour seulement émettre des hypothèses un minimum sérieuses) : on touche aux limites de la non-intervention en aquariophilie, même qualifiée de douce ou de "low-tech", à savoir :
- soit on a un bac pour poissons, et tout le reste ne sera jamais plus qu'un décor de cinéma, façon carton-pâte, du gastéropde (figurant secondaire, au rôle de détritivore basique) aux plantes (décor ne servant qu'à de la régulation nitrate et production d'oxygène) et on se concentre sur l'observation des poiscailles, pour la détente et la curiosité : comment ils interagissent socialement en inter/-intra-espèces, leur façon de se nourrir, se reproduire.
Le seul cycle naturel reproduit en interne est une tentative de régulation du cycle de l'azote, avec pour cycle corollaire celui de l'oxygène.
En somme, les deux seuls obligatoires pour maintenir en vie les poissons. Et qui ne nécessitent, rappelons-le, que des détritivores insensibles aux attaques des poissons (certains gastéropodes donc), des bactéries (forcément déjà plus ou moins présentes) et des plantes (plus ou moins adaptées et implantées).
Evidemment, l'intervention humaine est obligatoire, très fréquente (de l'ordre du quotidien) et l'équilibre général de tout le bac repose sur de parfaits dosages, à chaque intervention, du geste de l'humain, y compris chaque année lors du contrôle démographique des poissons. Et même comme cela, le cycle de l'azote lui-même ne pourra avoir lieu de façon complète et subira par conséquent de réguliers dysfonctionnements qui amèneront de réguliers déséquilibres (souvent traduits par une invasion, même mineure, de filamenteuses par exemple, chaque année, dans les périodes de redémarrage des cycles ou chaque fois qu'un facteur non reconnu ou insuffisamment maîtrisé se met au rouge).
- soit on a un bac "bestioles", beaucoup plus riche en biodiversité, mais qui exclut quasi-obligatoirement toute introduction de poissons, sauf à avoir un 500 l / un bassin et à y contrôler soigneusement la démographie des poissons selon leur nature de carnivore-/végétarien. Bon courage.
A titre d'exemple, je pense que 3 gambusies seulement ne pourraient vivre dans un 500 l sans avoir besoin de constamment réensemencer le bac de cyclops, daphnies et autres larves de moustique. Et c'est sans compter sur le côté prolifique de ces poissons en présence de mâles et femelles.
Si l'on reste dans l'optique d'un bac sans poissons, on pourra prétendre, par l'introduction d'adjuvants spécifiques, animaux comme végétaux (pionniers, oxygénant, détritivores, fouisseurs, alguivores, prédateurs, etc.) et qui plus est dans un timing assez précis, reproduire un nombre suffisant de cycles pour ne pas avoir besoin d'intervenir toutes les semaines, ne serait-ce que pour nourrir les occupants. En effet, même une larve d'odonate ne dépeuple par une pièce d'eau comme un juvénile de poisson le ferait.
Et l'on obtient un bac quasiment autonome, sauf à devoir compenser l'évaporation, ce qui représente la limite absolue à la non-intervention humaine s'agissant de tout type d'aquariophilie.
Bref, tout ce long pavé servirait finalement à présenter le concept, très certainement déjà largement exploité (ne serait-ce que dans les poub' d'élevage à bouffe vivante) mais finalement un peu méconnu : celui du "bac bestioles" !
Et si l'idée séduit, j'essaierai de présenter les quelques observations typiques à même de compenser l'absence de poissons, en termes de spectacle, de relaxation et d'intérêt nigo-scientifique.