Je sacrifie au protocole des lieux et me présente rapidement.
Reuh...
Voilà, c'est chose faite, passons aux choses sérieuses, le projet.
Enfin, je dis sérieux, j'me comprends. J'ai récupéré (acheté à bas prix serait le mot juste, mais bon) un bac d'environ 100 L, ne vous attendez pas à de grosses précisions, je ne l'ai même pas mesuré ; j'ai de suite décidé de me lancer dans un bac dit "low tech".
[Je m'excuse par avance pour les courageux lecteurs, je fais partie de bestioles bavardes à l'écrit ; c'est une manie compulsive, je fais des pavés, je brode, j'écris un roman. Alors, voilà, vous êtes prévenus. D'un autre côté, c'est une présentation du projet, alors je me lâche.]
Comme je suis le patriarche de la famille, je ne dis pas que je me fiche du CAF, mais un peu. En plus, j'ai pris le prétexte que les SVT intéressaient mes deux fifilles (respectivement 4 et 2 ans et demi,

Je sais, c'est moche.
Seule concession audit CAF, le bac est en "estive", sous le auvent. De toute manière, au regard de mon petit projet, c'est pas gênant, au contraire.
Car tout le sel de mon challenge, c'est de ne faire que (QUE) du local. Et quand je dis local, je vais pinailler pour ne mettre que du local autochtone ; objectif zéro invasif, zéro import, zéro achat de vivant. Comme cela, avec le zéro technologie (rien d'électrique, rien de chimique) je vise le statut d'aquariophile amish intégriste.
Naturellement, j'ai vite pressenti que ce type d'expérience pouvait rapidement partir en eau de boudin sans l'appui d'une communauté expérimentée, qui a déjà eu toutes les occasions de faire les erreurs que je vais essayer d'éviter (je maîtrise l'art du compliment ambigu) et qui saura sans doute me refiler quelques tuyaux utiles. Non, parce que, cela ne paraît pas, mais cela fait quelques temps que je traîne sur ce forum lorsque j'ai un doute sur tel ou tel aspect du projet.
Bref.
Que du local, disais-je. Ah, j'oubliais : que du légal, aussi. Cela paraît évident, surtout à l'écrire sur un forum, mais ce type de projet se heurte vite à des myriades de petites interdictions, selon les taxons convoités.
Est-ce que j'ai précisé que je suis localisé en Midi-Pyrénées ? A quelques centaines de mètres à vol d'oiseau (ou de vélo) d'une micro-réserve naturelle, composée de trous d'eau et de sablières inondées ? Que de nombreux fossés des environs sont inondés plusieurs mois par an, lors des intersaisons ? (et particulièrement cette année...). Que j'habite à quelques mètres des rives d'une petite rivière ? dont je possède la moitié du lit, comme la plupart des inconscients qui sont riverains d'une voie d'eau non navigable.
Forcément, cela aide. C'est un tout petit peu plus simple que de tenter le truc à Paris, même si je me suis laissé dire que pour un esprit inventif et déterminé, Paris, c'est loin d'être aussi mort qu'on le dit.
A tel point que certains pourraient se demander quelle est la pertinence de faire un bac alors qu'on a tout à deux pas de chez soi. Mouais. Le problème, c'est que rapidement, les mares, flaques et fossés d'observation sont asséchés, et que globalement, pour une faignasse comme moi, le bac c'est comme la TV le programme intéressant en plus. A hauteur d'œil humain.
En tout cas, voilà, le projet est lancé depuis un mois environ.
Foin de bavardage, des faits :
- sol : très fine couche de terreau aquatique (3 cm), recouvert de sable de rivière gris-noir (5 à 15 cm environ). Pas une configuration obligatoire au vu du projet, mais tant qu'à y être, autant que cela ne pique pas l'œil d'entrée de jeu . La turbidité, c'est pas idéal pour l'observation.
- plantes : mouais, alors je vais prendre bientôt des photos, parce que là, franchement, leurs petits noms m'échappent pour la plupart. Quasiment que des plantes à fleurs. Dans le lot, il y a de l'immergée par essence (à peu près certain d'avoir récupéré de la callitriche, et d'autres qui devraient un jour voir l'autre côté de la surface, dont deux tiges de prêles des marais. J'ai mis de la croissance rapide et moins rapide. Mais clairement, la photo sera de mise.
J'ai simplement fait mon marché au bord des fossés ombragés et autres ruisseaux en évitant les invasives connues et les protégées non déplaçables, malgré l'intérêt que je portais de prime abord à l'élodée - pousse rapide, gros pouvoir oxygénant, ferait sa photosynthèse dans un trou noir ou quasi, eurytherme donc idéal pour un bac "low tech", bref, la candidate idéale, mais voilà : c'est une amerloque.
Pour le reste, il est probable que quelques autres pensionnaires rejoindront le projet d'ici peu.
- décor : racine d'aquarium, qui était fourguée en même temps que le bac ; j'ai gardé la moins moche, après m'être à peu près assuré qu'elle n'avait été "que" bouillie.
- bestioles : alors là, pareil, j'essaie de ne pas brûler les étapes malgré mon impatience, rapport à la stabilisation du bac et au développement des plantes et des mini-bêtes.
Pèle mêle :
* des planorbes communes issues d'un fossé en voie d'assèchement, pour la maintenance,
* des larves de trichoptères (4 relativement développées), m'en suis presque mordu les doigts quand l'une d'elles a décapité une jeune plante prometteuse, pour ne garder qu'un bout de tige, son nouvel accessoire de mode qu'elle a incorporé à son fourreau, grrr...
Evidemment, s'est rapidement développée la visiteuse des nouveaux bacs, j'ai nommée la spirogyre (algue verte filamenteuse gluante pour les intimes) ; le cycle de l'azote n'était pas encore rôdé, les plantes pas assez nombreuses et développées, bref, c'était couru d'avance.
J'ai donc opté rapidement pour un peu plus de planorbes car leur cycle de reproduction n'aurait pas suffi mais surtout, coup de bol, l'une des flaques temporaires de fin de circuit de collecte de planorbes contenait de jeunes têtards de grenouille - a priori -. Estimation de durée de vie de la flaque : une semaine avant assèchement complet. Probabilité de survie des quelques rescapés des festins d'oiseaux et autres dytiques qui pullulaient : horizon 3 jours.
* jeunes têtards de grenouille donc ; de vraies tondeuses à spirogyre, je n'ai eu à faire que deux ramassages mécaniques, ils ont régulé tout ça en moins de deux jours, alors qu'ils sont seulement une petite douzaine, que les plantes ne font clairement pas encore leur boulot et que l'invasion était bien commencée... les planorbes n'en seraient jamais venues à bout, j'avais même de sérieux doute quant à leur capacité de "containment".
* mini-bêtes : infusoires, cyclops, daphnies, cladocères, larves de moustique (culicidae pour les pédants), larves d'éphémères et de perles (plécoptères) (phyto et détritivores, fouisseuses et nageuses), dont je garde tout un bouillon dans un grand seau à côté du bac ;
ATTENTION : le reste du pavé est plus proche du récit-devinette que du descriptif du projet...
Quelques semaines ont passé.
Jusque là, ce n'était même plus du local, c'était relativement primaire. Presque le bouillon originel. La problématique poisson me turlupinait fortement. Il fallait que ce bouillon ait une âme, mais je ne voulais vraiment pas de l'écaille exotique, même si certaines auraient supporté l'estive sans difficulté.
Pour un bac low tech, les contraintes restreignent de toute manière pas mal les choix. Je voulais en outre garder mes têtards à l'abri de toute prédation et donc choisir du (très) petit qui le resterait (je n'ai pas la conception utilitariste des bestioles, pour moi, les résidents du bac doivent vivre leur vie de la manière la plus satisfaisante possible et non pas seulement servir un but temporaire).
Et la contrainte légale me tenait vraiment à cœur (je ne suis pas pêcheur et ne tiens pas à m'encarter).
Problème quasi insoluble de prime abord pour moi. En parcourant votre forum, je ne trouvais que des indications pour des exotiques, tous très convenables, et adaptés, mais point d'indice pour du régional "de continental d'eau froide", comme on dit.
Puis la lumière fut, de manière assez fortuite il faut le reconnaître.
J'ai eu un véritable choc comme j'observais un fossé grouillant de triops, dont je ne voulais surtout pas. Ces bestioles me paraissent hystériques, agressives, prédatrices, pullulantes, bref, je veux du zen et du contemplatif pour mon bac, pas des scènes à mi-chemin entre l'orgie, le match de catch et le massacre de masse.
Je disais donc que j'observais d'un air dépité et un peu écœuré une horde de triops finir d'achever la faune d'un fossé lorsque je vis des mouvements beaucoup trop vifs en reflet sur une autre portion du fossé, lequel servait de dévidoir provisoire à un étang voisin, après la série d'averses de la semaine.
Abasourdi, je me suis rapproché et oui, clairement, de minuscules poissons clairs jouaient à cache-cache avec les insectes. Sont-ils arrivés dans le fossé à l'état d'alevins ou d'œufs à la suite du déversement du trop plein de l'étang voisin, par l'intermédiaire d'oiseaux ? Je n'en sais rien, je n'ai encore jamais vu des poissons vivre des cycles entiers dans un fossé temporaire.
Je précise que le débit et l'importance du ruisseau entre l'étang et le fossé ne permettaient guère à de vrais poissons d'une dizaine centimètres ou plus de traverser. Même au plus fort de l'averse, ce devait être marginal comme voie de passage. Enfin, je peux me tromper.
Ces poissons sont si vifs que mes premiers essais de capture sont restés infructueux. Trop peu de poissons, fossé trop profond et encombré de débris et de végétaux, bref, compliqué.
J'y suis retourné 15 jours plus tard, naturellement le fossé était quasiment asséché, mais ô surprise, les poissons étaient toujours là. En fait, ils étaient même trois fois plus nombreux

Encore aujourd'hui, après des heures d'observation et autant de recherches sur le net, je ne suis pas fichu de déterminer si j'ai affaire à des juvéniles ou des poissons adultes. Ils ressemblent clairement à des vairons juvéniles voire adultes, ont un côté un peu semblable à certaines athérines qui se seraient égarées en eau douce. J'ai à peu près exclu que cela puisse être des alevins ou des juv' d'ablettes, de bouvières ou de gardons.
J'en ai capturé une petite demi-douzaine, sur les dizaines qui frétillaient ; ils batifolent à présent dans le bac comme s'ils y étaient nés et raffolent des cyclops, même s'ils ne touchent pas aux cladocères et ne coursent les larves d'éphémères que pour le sport, certaines semblant bien trop grandes pour eux pour être ingérées.
Bon, vous l'aurez compris, ce mini-récit devinette n'a pas de sens si je ne poste pas la photo des poissons. Le seul problème, c'est que je n'ai pas encore réussi à obtenir un cliché honnête. Mais cela viendra. Parce que ma première question concernera ces hôtes. Qui sont-ils ? Sous-entendu : vont-ils grandir, mettre le dawa ou bouffer mes autres pensionnaires ?
* mini-poissons, donc ;
Voilà pour le pavé de présentation.
Forcément, je sollicite aussi votre opinion sur la soutenabilité du projet en low tech mais aussi et surtout sur les plantes que vous suggéreriez, en local stricto sensu.
Merci de m'avoir lu jusqu'à la fin, pour les courageux
