Ça a quelque chose de... Je sais pas comment le décrire. Plaintif, lent... Bon ça reste du mineur, donc forcément c'est normal. Mais on ressent bien le truc, quand même.
Je vois tout à fait ça dans un film, pendant un enchaînement de plans fixes sur le héros dans son appart
(poussiéreux et/ou un peu miteux, de préférence) en train de boire du café lyophilisé et de fumer des Winston.
Noir pendant la partie a capella. Puis, avec la musique, plan fixe sur un vieux tourne-disque qui crachote la musique. Une cafetière en train d'exsuder péniblement un café amer. Un cendrier rempli de cendres, avec un reste de cigare fumant. Plan général (mais toujours fixe) sur l'ensemble de l'appartement, où règne un beau bordel. Le héros est allongé sur le canapé, il fixe le plafond.
De nouveau, plan fixe sur quelques plantes vertes agonisant dans leurs pots au bord d'une fenêtre ; les rideaux sont agités faiblement par un léger vent que l'on devine chaud et lourd. Plan plus rapproché sur une mouche, morte, au pied d'un pot. Puis un autre plan fixe sur un mainate immobile dans une cage, l'oiseau se contente de tourner légèrement la tête, ou mieux, de cligner doucement des yeux. Le héros se redresse doucement, s'assoit sur le canapé et prend sa tête entre ses mains. Plan rasant sur le tapis au pied du canapé, on aperçoit quelques bouteilles de Kanterbrau, une bouteille de William Peel aux trois-quarts vide. Plan resserré sur la main du héros, il tient une cigarette à moitié consumée, dont il tapote doucement la cendre dans le cendrier qui déborde déjà.
Plan fixe sur un réveil déglingué, qui égrène lentement ses secondes. Un vieux chat, endormi sur un coussin miteux, bâille et se retourne pour mieux se rendormir. Le mainate tourne la tête vers le chat, puis revient à son immobilité. Plan sur le bureau, jonché pêle-mêle de papiers froissés, de tasses sales, de stylos, d'un verre vide renversé. Un téléphone à cadran, le combiné est décroché. Gros plan sur un papier, on distingue les mots "Però jo us he estimat". Le héros se lève et se dirige doucement vers la cuisine. Il ouvre au passage la cage du mainate, lui jette une moitié de figue que l'oiseau attrape au vol avant d'aller se percher sur un dossier de chaise.
Plan sur la fenêtre pendant qu'on entend des bruits de tasses, puis de feuilles de papier qui tombent. On retrouve le héros assis à la table, il a poussé les papiers par terre. Il boit doucement son café, le regard dans le vide. Le chat est assis sur la table et fait sa toilette dans le rayon de lumière de la fenêtre.
Toujours vivant, rassurez-vous, toujours la banane, toujours debout.